Elza soupira devant sa fenêtre. Quel temps... Elle qui voulait sortir, ça n'allait pas être possible ; la neige battait la fenêtre de sa maison, et elle regardait avec ennui ces flocons qui l'empêchaient de s'amuser dehors avec son énorme compagnon. Que pouvait-elle bien faire avec un temps pareil? Elle ouvrit sa fenêtre malgré le vent et cria le nom de son acolyte, qui arriva en deux battements d'aile, n'étant pas bien loin.

«Alfan, dit-elle affalée sur sa fenêtre, je ne sais pas quoi faire... -Elle s'arrêta un instant avant de continuer- Ha, je sais ! On va se balader dehors! La pluie finira bien par s'arrêter ! »

Le dragon soupira en secouant la tête ; pas question de la laisser sortir! Mais elle n'en fit qu'à sa tête et s'échappa de la maison en escaladant sa fenêtre, prenant en même temps son Chapoiseau qu'elle posa sur sa tête. Haha, elle ne faisait que ce qu'elle voulait de son gros ami, de toute manière. Il ne pourrai pas refuser une mignonne petite ballade, il ne faisait pas si moche...

«Allez, viens ! Cette fois on va... -Elle tira de sa poche une carte des environs avant de pointer son doigt dessus- A Gealai ! »

Alfan grogna, c'était bien trop loin. Il pointa sa griffe sur le village Gréine, qui était bien plus accessible et bien moins dangereux à ses yeux.

«Je serais jamais une aventurière avec toi... »

Elza soupira. Elle proposa alors d'aller manger une tartelette à Rat-a-too-ee, ce a quoi Alfan répondit a l'affirmative, bien content de ne pas être embarqué dans une autre aventure rocambolesque. Il protégea de sa grande aile Elza du vent, et ils avancèrent sur le petit chemin en pierres qui descendait, au nez et a la barbe des parents qui trayaient leurs chèvres plus haut. Ha, l'autorité parentale inexistante, cela permettait une enfance riche et pleine de rebondissements! Elle marchait alors avec plein d'entrain, se rendant compte que la neige avait cessée et que le vent était tombé. Quel temps changeant, il n'y avait plus que des nuages gris maintenant. Mais ça l'arrangeait bien parce que la pluie, ça l'embêtait bien quand même.
Une fois descendue au village, elle couru à l'auberge en suivant la délicieuse odeur, pressée de manger un délicieux goûter. Elle regardait ses poches... Hum, pas grand chose. Enfin, le cuisinier lui ferait sûrement un prix d'ami, et sinon, elle... Elle se vengerait! Il ne faut pas contrarier Elza.

«Salut Shaun! Je peux avoir une tartelette s'il te plaît... A la framboise ! »

Il ria avant de lui en tendre une déjà prête, et toute fière, elle sautilla vers la première table, trop pressée pour faire attention devant elle, et sorti dehors, car le soleil était revenu. Et ce qui devait arriver arriva.... Elle heurta quelqu'un devant elle, mais réussi tout de même a sauver sa tartelette ; elle se confondit alors en excuses, sans adresser un regard à la personne qu'elle venait de percuter :

«Haa, pardon! Pardon! Je suis désolé ! »

Une ambiance tranquille, ponctuée de « cronch », « bip bip », « senbonzakura », « putain », règne dans l’appartement du jeune homme. Il enchaîne les Mikado, fait un petit combo sur sa manette, donne et prend des coups, puis recommence son cycle. Qui n’est pas interminable. Les combos s’arrêtent bien à un moment ou un personnage finit bien par être K.O.. Mais là, c’est autre chose. Eh oui, il n’a même pas le temps de finir son combat, que quand il reprend son rythme, quelque chose bloque. Alors tout foire, il rate son combo, et il se fait mettre K.O.. Tout ça à cause des Mikado.
Plutôt contrarié, il affiche un air boudeur, les yeux rivés sur le paquet, dans l’espoir vain qu’il se remplisse à nouveau. Sauf que ça ne se fait évidemment pas. Aucune intervention divine ou quoi que ce soit d’autre ne fait apparaître ces délicieux petits bâtonnets entourés de chocolat. Alors il soupire, et quitte le jeu.

Il aurait très bien pu continuer, mais à quoi bon ? Son rythme est brisé, alors il préfère arrêter.
Il se tâte donc, alors qu’il roule sur le côté pour se mettre sur le dos, cherchant avec sa langue des restes de chocolat dans ses dents, dans un bruit plutôt agaçant. Heureusement qu’il est seul. Et quand bien même ça n’aurait pas été le cas, il s’en ficherait bien.

Ses yeux métal fixent le plafond de la pièce. Ses oreilles ne perçoivent rien, et pourtant ses poils se hérissent rien qu’en pensant aux flocons qui tombent dehors. Il se dit qu’il est bien à l’intérieur, alors il y reste encore un peu. Bien au chaud.

Après une micro-sieste qui dura en réalité deux heures, il se lève et va aux toilettes. Il contemple le mur en face de lui, l’esprit encore embrumé. Il ne se réveille que lorsqu’il tire la dernière feuille de papier. Il fouille alors le placard. Nouveau soupir.

Il enfile de grosses bottes marrons, lui remontant jusqu’aux genoux, là où son short bouffant s’arrête. En plus de sa veste courte, il se couvre d’un manteau marron aussi. Puis sort pour affronter le froid.

Les doigts gelés, les joues et le nez rosies, goutte au nez, il se dit qu’il aimerait bien boire un chocolat chaud. Alors il entre à Rat-a-too-ee. Mais à peine arrivé, il se fait heurter par quelque chose. Parce que oui, il faut savoir qu’il ne regarde pas plus bas que lui. Il en fût tout de même contraint de le faire.

Une gamine… plutôt excentrique. Et qui a tâché son manteau.

« Pardon ? » dit-il, tout en observant sa veste, qu’il essuie avec une serviette empruntée à la table d’à côté.

« Fais plus attention la prochaine fois. »

Il la dévisage alors, puis la regarde de haut en bas. Drôle d’énergumène. Il se retourne, semblant chercher quelque chose du regard. Et comme il n’a pas l’air d’avoir trouvé, il reporte son regard métal sur la petite fille.

« Où sont tes parents ? A part des vieux barbus, je ne vois personne. »

« Fais plus attention la prochaine fois. »

Haa, elle avait réussi à le tâcher... Elle se demanda comment elle allait réussir à rattraper le coup. Mais comme il n'avait pas l'air bien méchant, elle haussa les épaules intérieurement, et hocha la tête de haut en bas. Qu'elle drôle de personne... Avec un regard... métallique? Elle évita de croiser son regard, au départ car elle ne voulait pas subir de remontrances, et ensuite parce que ses yeux étaient très, très intimidants à ses propres yeux. Elle constata juste qu'il était grand, trop grand. Elle attendit une autre phrase, qu'on la gronde, qu'on lui demande de réparer l'affront de la taaache, mais l'homme se contenta de l'observer, puis de se retourner. Que cherchait-il? Elle se tourna elle aussi rapidement, mais rien de spécial aux alentours ; elle lui lança un regard interrogateur, regard qu'il lui rendit en lui demandant :

« Où sont tes parents ? A part des vieux barbus, je ne vois personne. »

Ha, ha, ses parents... Ben ils sont restés à la maison eux. Elle est pas trop censée être ici... Même si tout le monde est au courant et qu'ils finiront bien par le découvrir. Qu'ils tenteraient de la gronder mais ils retourneraient à leurs chèvres parce qu'ils sont trop occupés. Et que de toute manière elle ne risquait pas grand chose.

«Heu... Y sont à la ferme avec les chèvres, jsuis descendue toute seule avec Alf´.»

Beaucoup d'enfants, enfin aux yeux d'Elza, se baladaient sans leur parents, et cela l'étonna puisque qu'on ne lui avait jamais posé cette question.. Du moins, du loin de ce qu'elle pouvait se rappeler dans sa petite tête d'enfant. Elle engloutit rapidement sa tartelette, avant de s'essuyer tout aussi rapidement ses mains avec des serviettes prisés là et là dans les tables proches, et regarda l'infime tâche qui était sur son manteau. Mh, la framboise c'est pas un truc qui tacherait bien par hasard?

«Ah, et désolé pour la tache... dit-elle en se grattant la tête, J'peux faire quelque chose pour réparer ça? »

Peut-être qu'il lui trouverait quelque chose à faire! Ça lui ferait d'une pierre deux coups, puisqu'elle s'ennuyait, aussi. Elle regarda le ciel : toujours aussi gris. Comment pouvait-elle s'amuser s'il faisait toujours moche en hiver? Non pas que la neige la dérangeait, mais elle avait tendance à devenir de la bouillasse infâme, et ça c'était pas drôle.

Obnubilé par sa drôle de coiffe, il ne peut réprimer un air plutôt ahuri. Jamais il n'a vu pareil... chapeau (?) Non, jamais. Il en a vu des choses étranges, lui-même ayant des gants démesurés à la maison. Mais ce chapeau le perturbe grandement. A tel point qu'il loupe le début de la phrase de la gamine. Heureusement, elle a hésité un petit instant, alors il saisit tout de même le plus important.

"Et ils laissent une fille aussi maladroite toute seule ?"

Il trouve qu'elle n'a pas l'air débrouillarde, et semble même chétive. Alors il s'étonne qu'il n'y ait pas un seul adulte. Mais probablement que ses parents lui font confiance. Et que ce n'est pas une petite fille à sa maman.

Aux excuses de la petite fille, il regarde alors sa tâche, puis reporte son regard sur elle.

"Alf'. C'est ton frangin ? Il a qu'à me payer un nouveau manteau." dit-il, avec cynisme. Puis il se reprend, car il sait Ô combien les enfants n'ont pas de second degré : "C'est pas grave, ça partira à l'eau. Sûrement."

Bien qu'il ne porte pas les enfants dans son coeur, il ne va tout de même pas lui faire payer pour une ridicule tâche. Et quand bien même ça ne partirait pas, ce sera l'occasion d'en acheter un neuf.

"Ce chapeau, là, tu l'as eu où ? C'est pas que je sois intéressé, mais je n'ai jamais vu aucun gosse se trimballer avec un truc comme ça sur la tête par ici."

Ce n'est pas comme s'il était du genre à regarder en-dessous de lui, mais quand même.
Il s'approche alors du comptoir, et demande deux chocolats chaud. Il prend sa commande, et tend un des verres à la petite. Puis il lève le doigt, comme un avertissement.

"Ce n'est pas un cadeau. Je te demande quelque chose en échange. Tes parents travaillent à la ferme, non ? Alors si tu me rapportes une bouteille de lait de chèvre, je t'offre ce chocolat, et j'oublie pour la tâche."

Oui, il marchande avec une gosse. Mais quelle différence avec un adulte ? C'est du donnant-donnant, après tout, non ? "Il ne va tout de même pas lui faire payer pour une ridicule tâche". Seuls les idiots ne changent pas d'avis.

Elza se tu alors que l'individu parlait, un peu tout seul à vrai dire car il ne lui laissait pas vraiment le temps de répondre. Mh, ouais, c'est vrai qu'elle considérait Alfan comme son grand frère maintenant, puisque elle l'a toujours connu. Puis elle ria intérieurement lorsqu'il dit que la tâche partirait à l'eau, l'imaginent bien en train de frotter désespérément son manteau. Et il parla de son sublimissime Chapoiseau, offert par sa mère ; c'est bizarre qu'il ne l'ai jamais vue car elle traînait très souvent au village quand même... Quand même... Cet homme ne devait pas sortir beaucoup... Cette fois-ci elle ne pût se retenir de pouffer, le voyant comme une sorte d'ermite, mais fort heureusement il se retourna vers le comptoir en même temps, en demandant 2 chocolat chaud, et les yeux de la fillette brillèrent tout à coup. Il lui tendit la tasse d'un air solennel et pointa un doigt vers le ciel ;

"Ce n'est pas un cadeau. Je te demande quelque chose en échange. Tes parents travaillent à la ferme, non ? Alors si tu me rapportes une bouteille de lait de chèvre, je t'offre ce chocolat, et j'oublie pour la tâche."

Du lait de chèvre! Ce n'était pas si cher payé finalement, puisque sa maison en regorgeait, et la maison n'était pas loin. Cet homme a bon gout, le lait de chèvre c'est super bon. Et puis avoir un super chocolat chaud... Mmh... Et en prime il oubliait la tâche! Elza aimait bien ce type finalement. Même si elle n'avait pas envie de sortir tout de suite avec la neige qui retombait dehors.

«On peut boire le chocolat d'abord? Dit-elle les yeux pleins d'étoiles. On va attendre que le temps revienne hein? »

Elle ne se fit pas prier et s'installa sur une table, en posant son chapeau et ses lunettes, et touilla sa tasse.

«Mon super Chapoiseau c'est un cadeau de ma mère, il est cousu main... Regarde - elle appuie dessus- il est super confortable... »

Elle souria bêtement devant son chocolat chaud, heureuse d'être a l'intérieur, au chaud, et de boire un truc bon. Elle avait eu raison de vouloir sortir finalement, dehors on rencontre toujours pleins de gens intéressants! Elle le dirait à Alfan tout à l'heure.

«Si la neige ne s'arrête pas je demanderai à Alf´ de faire parapluie avec sa grande aile de toute façons. Il a beau être gros, il est vachement pratique! »

Máttur se dit qu’il aurait mieux fait de rester chez lui, cloitré dans son appartement, tranquille, et seul. Surtout seul. Car dès qu’il met le nez dehors, surtout au village, il lui arrive toujours un truc bizarre. Comme cette fille-là. Enfin, cette petite fille. Qui ne s’est pas faite prier pour prendre le chocolat chaud d’ailleurs. Quelle sans gêne ! Certes, il lui a proposé, mais quand même.
En tout cas, c’est bien son aubaine, devoir attendre que le temps s’adoucisse risque de prendre longtemps. Il la rejoint et s’assied donc, pose son coude sur la table, et tient sa tête qui lui semble lourde tout à coup. Il ne peut réprimer un soupir d’agacement quand la jeune fille lui montre son chapeau. Mais tout de même curieux, il se permet de tâter le dit Chapoiseau, qui en effet, est très doux et moelleux. Même si ce n’est pas ça qui lui donnerait envie d’avoir le même.

« Tes copines t’envient je suppose ? » Malgré le fait qu’il trouve que le chapeau est bien fait, il ne peut s’empêcher de faire du sarcasme. Mais le comprendrait-elle ? Sûrement pas. De toute façon, il ne s’attend pas à ce qu’elle réponde à ça.

Et alors qu’il s’apprête à avaler sa gorgée de chocolat chaud, quelque chose dans les paroles de la gamine le fait tiquer… et baver tout le liquide. L’air hébété, il ne réalise pas tout de suite qu’il vient juste d’avoir l’air idiot. Puis il prend une serviette en papier, s’essuie à la va-vite, et repose son poing sur la table, non sans violence.

« Sa grande aile ?! » s’écrie-t-il, histoire de se taper encore plus l’affiche, au cas où sa régurgitation n’aurait pas suffi. Il se reprend alors un peu plus bas, la pointant du doigt, ne pouvant réprimer sa frustration et sa honte. « Tu veux dire qu’Alfan est un dragon ? C’est celui de tes parents, hein ? Ce n’est pas le tiens quand même ? Ils te l’ont prêté, c’est obligé. Comment aurais-tu pu en avoir un ? Et gros en plus ? Je suis sûr que c’est parce que tu es petite que tu dis ça. »

N’arrivant pas à se rassurer, il essaie de se convaincre que le dragon appartient réellement aux parents, sinon, sa fierté – du moins ce qu’il en reste – serait réduite à l’état de chiures de dragon-mouche. Ce n’est évidemment pas possible qu’une petite fille qui semble si fragile puisse avoir trouvé un acolyte, alors que lui, n’ait jamais réussi, hein ? Hein ?

Lorsqu'il tâta son chapeau elle ne pût réprimer un sourire de fierté. Comme quoi, elle avait une fait de sortir de chez elle malgré ce stupide mauvais temps tout comptes faits.

«T'es copines t'envient je suppose? »

Ses copines... Elle n'avait pas réellement prit le temps de parler avec des gens de son âge car elle était plutôt occupée a arpenter le monde, et son éducation s'était passée chez elle avec ses parents. Du coup elle ne s'était pas vraiment liée d'amitié avec ces filles... Enfin, elle les trouvaient surtout bruyantes a piailler dans leur coins et s'échanger des ragots inintéressants, pour celles qu'elle avait rencontrées. Alors plongée dans ses pensées, elle ne répondit pas, touillant encore son chocolat. Elle releva la tête lorsqu'elle entendit des bruits bizarres... Et vit du chocolat dégouliner de la bouche de son voisin dans des bruits de gargouillis heureusement pas assez fors pour que le reste du restaurant ne lui découvre un air idiot collé au visage ; il tenta de retrouver sa dignité en essuyant son visage avec une délicatesse inouïe - elle ne réussi pas a s'empêcher de pouffer - . Mais elle ne s'attendait pas a ce que son gros poing ne s'abattit sur la table -sûrement pour prouver sa virilité... Ou pas - et sursauta doublement en l'entendant limite hurler :

«Sa grande aile ?! Tu veux dire qu'Alfan est un dragon?!»

Elle hocha la tête, un peu prise de court avec cette question. Cet homme ne devait jamais sortir pour n'être au courant de rien, le village était tout de même petit... Ou alors il devait rire. Ouais, il lui disait une blague en fait. Haha.

«C'est celui de t'es parents hein? C’est celui de tes parents, hein ? Ce n’est pas le tiens quand même ? Ils te l’ont prêté, c’est obligé. Comment aurais-tu pu en avoir un ? Et gros en plus ? Je suis sûr que c’est parce que tu es petite que tu dis ça. »

Cette fois-ci c'est Elza qui prit un air idiot. Non... Il n'était sérieusement pas au courant ? Elle pensa d'abord à une blague... Et elle vit son visage qui prenait des airs marrants - mais se retint de rigoler encore une fois ; les adultes ça peut vraiment être marrant parfois quand même -, et se ravisa. Hum. Il ne rigolait vraiment pas.

«Heu bah heu... - elle se gratta la tête, ne sachant pas vraiment quoi répondre au final - Non. C'est mon acolyte heu... Ouais. C'est si flippant que ça ? - elle pointa du doigt dehors - Si tu veux je peux te le prouver. Il est dehors la ! »

Elle termina son chocolat en grandes goulées, posa son sublime Chapoiseau sur la tête et tira le bras de son interlocuteur afin de l'amener dehors.

« Stu me crois pas, Mr le-super-connaisseur, en voilà la super preuve ! ! »

Elle porta ses doigts a sa bouche une fois dehors et siffla longuement ; Alfan qui n'était pas très loin - il veille toujours - marcha d'un pas nonchalant et jaugea l'homme-pas-mignon en face de lui avant de soupirer longuement - ce qui fit l'effet d'une bourrasque aux deux humains en face de lui.

Ce mouvement de tête, là, c’est pour approuver ce qu’il a hurlé, ou c’est parce qu’elle a des tensions dans la nuque qu’elle veut chasser ? Elle est bien trop jeune pour déjà avoir des douleurs musculaires. Sauf si elle chevauche souvent un dragon. Ce qui reviendrait à dire que dans tous les cas, elle a bel et bien un dragon. Quel raisonnement logique.
Et qui se confirme quand elle prononce le mot tabou. Acolyte, hein ? Cette gamine a donc bien un acolyte ? Comment a-t-elle réussi à dompter un dragon ? Il est peut-être super vieux, aveugle, minuscule, faible et désespéré ? C’est ce que Máttur se demande, comme pour se rassurer. Parce que si ce n’est pas le cas, alors cela voudrait dire qu’il est encore plus nul qu’une fillette-toute-mignonne-qui-porte-un-chapoiseau-tout-doux. Et ça, c’est pas très badass. Mais alors pas du tout. Ce serait même le plus gros Game Over de sa vie. Un désastre, la honte ultime, l’affront insurmontable. La baffe du siècle… !

Il n’a pas le temps de continuer plus loin le fil de ses pensées, qu’elle le tire hors du café, abandonnant ainsi le pauvre chocolat chaud baveux. Il se laisse faire, et alors qu’il veut la reprendre sur son « insulte », la gamine se met à siffler. Petit tic nerveux. Encore une chose qu’il ne sait pas faire. Décidément, cette gamine est énervante.

Il n’attend pas longtemps pour voir arriver un énorme dragon. Les yeux ronds, bouche-bée, il peine à dire quoi que ce soit, à part un misérable « Iiiinghk ?! », rappelant un peu le cri d’un cochon en rut.
Là, c’est lui qui sent tout le poids de la honte se poser sur les frêles épaules. Sauf qu’il sait qu’il ne tiendra pas longtemps. Il n’a pas la carrure pour supporter ça. C’est impossible. Et tellement pas croyable qu’il a du mal à refermer la bouche, dont l’intérieur est déjà sec.

Puis tout d’un coup, comme animé par la volonté divine, ses bras se tendent vivement vers le dragon, pour enfin se placer derrière sa nuque, dans un mouvement saccadé et frustré. Un sourire plus que jaune se dessine sur son visage, et ses doigts s’enfoncent dans son crâne.

« Mmh, mmh. » C’est tout ce qu’il arrive à dire. Il aurait voulu prendre un ton désintéressé, mais le son aigüe qu’il utilise trahit sa crispation. Il regarde le tableau : un énorme dragon, et une gamine. Quand soudain son cerveau se remet en marche.

« C’est pas toi la petite postière, là ? »

Il se souvient avoir déjà fait appel à ses services. Sauf qu’il ne l’avait jamais vue jusqu’à aujourd’hui, étant donné qu’il n’aime pas ouvrir la porte aux autres, il préfère qu’on lui dépose ses colis et lettres dans sa boîte aux lettres, ou devant sa porte.

Mais sans déconner, elle se prend pour qui ? Et ce dragon, là, pourquoi l’a-t-il choisi elle plutôt que lui ? Elle est si minuscule, et si innocente ! C’est forcément un dragon de pacotille, qui l’a prise en pitié, c’est sûr.
Cette sale gosse… Elle monte ce monstre ! Alors que lui se contente de les regarder voler. Si il n’y avait pas de risque qu’il se fasse croquer, il aurait sûrement secoué la petite, rien que pour laisser s’exprimer la frustration qu’il ressent en cet instant.

« Hin, et comment t’as fait, tu m’expliques ? J’te vois mal survivre dans la nature ne serait-ce qu’une journée… »

Du cynisme, quelle piètre défense. Et pourtant… Pourtant la preuve est là, sous son nez. Mais il ne peut pas l’accepter. Jamais.

Elza jaugea son gros acolyte, avant de tourner légèrement les yeux vers l'homme-chelou, de peur de voir encore quelque chose de bizarre. C'était effectivement le cas ; sa tête décomposée émettait un son proche d'une chèvre qu'on égorge, et sa mâchoire ne prenait même pas le temps de refermer cette bouche qui semblait vouloir toucher le sol. Hum. Elle n'aurait jamais du tourner les yeux, en fin de compte.

Et elle n'eut pas le temps de détourner son regard qu'il récidivait, en tendant ses bras vers... Alfan? Avant de les remettre derrière sa tête ; s'il voulait s'étrangler, ce n'est pas de cette manière la qu'il faut s'y prendre voyons. Et lorsqu'elle aperçu le sourire flippant qui commençait à manger son visage, elle décida enfin de détourner les yeux de l'homme-chelou. Malheureusement, elle ne pouvait pas détourner ses oreilles ( mais ça serait pratique tout de même), et entendit un son proche de quelqu'un qui parlerait avec un caleçon trop petit. Elle voulu rire mais... Non, il ne fallait pas rire devant la déchéance humaine personnifiée.

« C’est pas toi la petite postière, là ? »

C'est pas lui le méga ermite, là ? Le mec qui sortait jamais de sa maison pour la remercier? Intérieurement toujours, Elza rigola. En fait non, c'était pas intérieur du tout. Puisque c'était aussi l'homme-qui-n'avait-jamais-pu-avoir-un-acolyte. Haha. Et il se moquait d'elle ? C'était vil, c'était petit, c'était méchant. Et Elza le lui rendra.

« Hin, et comment t’as fait, tu m’expliques ? J’te vois mal survivre dans la nature ne serait-ce qu’une journée…
- J'ai du faire mieux que toi en tout cas, monsieur l'ermite. »

Alfan posa un bout de sa grosse papatte sur la tête de l'ermite (nouveau surnom), avant de le regarder fixement, d'un air de "Tu continues a l'embêter, Jte bouffe.", tandis qu'Elza sautillait d'impatience. Ce pauvre ermite n'avait jamais du voler a dos de dragon non? Elle y remédierait, en cadeau contre le chocolat. Et comme ça elle verrait sa tête se décomposer, et elle en ria d'avance.

«Dis, tu veux monter a dos d'Alfan? Je suis suuuure que t'as super envie hein? »

Elle le regarda encore une fois avec ses yeux scintillants bourrés d'étoiles, tout en lui tirant le bras vers le dragon. Il ne refuserait pas. Non. Parce qu'il n'oserait pas la faire pleurer, non non. Elza était trop mignonne. Et puis ça ferait du bien a sa mauvaise langue de prendre l'air. On ne se moque pas d'elle impunément.

Et Alfan soupira. Ça retombait toujours sur son dos ce genre d'histoire. Littéralement.

Il nie toujours les faits qui sont aussi grands qu'une maison et petits comme trois pommes. Il le sait, mais pourtant, il n'assume pas. Il n'assume pas du tout. Surtout pas après l'arrogance de la gamine qui se moque de lui en le rabaissant. Mais comment ose-t-elle ? Peut-être que c'est son dragon qui est attardé, aussi, à suivre un poussin comme elle. Cependant il préfère garder cette piètre réplique bien au chaud dans son crâne vide. Parce que mine de rien, le dragon autiste, il a de grandes dents.

Et de grandes pattes. Qui n'hésitent pas à appuyer sur sa tignasse rousse et caramel. Mal à l'aise, il ne peut que serrer des poings et des dents, silencieux, soucieux de finir comme casse-croûte. Qui le regretterait ? Personne, probablement. Quoique, si, tous les fans des Lasair Spitter seraient effondrés d'apprendre que le plus grand connaisseur de cette sublime race se soit éteint. Mangé par un... Par un... Qu'est-ce que c'est au juste cette race ? Il n'a même pas eu le temps de l'analyser.

Au fait, elle ne l'a pas traité d'ermite, juste avant ?
Mais avant qu'il puisse répliquer - en retard - il se crispe à la question de la petite. Pourquoi lui demande-t-elle une chose pareille ? Se moque-t-elle encore de lui ? Encore une fois, il n'a pas le temps de faire fonctionner ses deux neurones qu'elle l'attrape au bras, et le tire vers l'énorme dragon, qui soit dit en passant n'a pas l'air ravi, et serait capable de le faire tomber involontairement.

Bien qu'il en meurt d'envie - de voler, on s'entend -, non, c'est hors de question. Déjà qu'il n'a toujours pas digéré l'histoire de la mini-blonde et de son dragon, il mourrait de honte si c'était elle qui lui offrait son baptême de l'air. Alors, ni une ni deux, il arrive à s'extirper de la prise de la jeune fille - encore heureux -, se décolle vite fait du monstre, et recule très rapidement, toujours face à eux.
Un ange a à peine le temps de passer qu'il se met à courir tel un pampa enragé, bien décidé à ne pas monter sur un dragon qui n'est pas un Lasair Spitter, et contrôlé par une gamine de trois ans (oui, il a une mauvaise notion des âges des gosses). Il bifurque vers la droite, et s'engouffre dans une ruelle très étroite. Vraiment étroite, en fait. Tellement étroite, que s'il avait porté ses gants, il serait coincé. Là, il est collé contre un mur, et se tape la tête contre celui d'en face. Sauf que ça ne lui remet pas les idées en place, malheureusement.

Puis il croit entendre un bruit, une voix enfantine, et des pas lourds. Il est sûr de voir la terre trembler, et la neige se soulever. Alors il panique, et reprend sa course effréné, longeant l'espace étroit, comme dans un jeu d'infiltration. Sauf que lui ne s'appelle pas Snake, alors il est lent, se cogne les coudes et les genoux à chaque déplacement, et respire comme un âne, son corps déjà à bout, après son rallye de tout à l'heure. Si seulement il avait une manette. Si seulement. Il aurait pu éteindre la console, et reprendre plus tard. Ou pas.